Utopie

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lundi 4 février 2013

La face sombre de Voltaire





Nul ne peut nier que Voltaire a inspiré les principes révolutionnaires et la philosophie des Lumières est une base importante pour notre culture, un moment clé de notre Histoire.
Mais un personnage comme Voltaire s'avère complexe et bien plus sombre qu'il n'y paraitrait au premier abord, une fois qu'on se penche sur ses écrits et sa vie.
On est face à un paradoxe. On ne peut qu'admirer l'auteur de Zadig et Candide, le défenseur de l'injustice dans l'Affaire Calas, mais on ne peut que rejeter l'antisémite et le raciste, celui qui condamne l'esclavagisme semble louable, mais celui qui  est  suspecté d'enrichissement grâce à ce commerce horrible, qu'en penser, celui qui mit tous ses paysans au travail forcé à Ferney dans une fabrique d'horlogerie destinée à l'enrichir personnellement* et celui qui mentit sur de prétendus serfs* dans la région d'à-côté, sans doute pour qu'on ne remarque pas le traitement qu'il infligea à ses propres paysans...

Il n'est ni question pour moi de l'enfoncer ou de le défendre.
Il est surtout question d'être lucide et que chacun en tire les conclusions qui lui sembleront bonnes en fonction de son jugement.

Au moment où il est question d'enlever le mot race de la Constitution, certains, souvent les mêmes qui se refusent à accepter leur comportement comme racistes s'indignent de cet état de fait. Qu'est-ce que cela pourrait leur faire, après tout, si ils étaient logiques?
Au XVIIIème siècle, classer l'humanité en races était courant et bien entendu, non condamnable. Mais est-ce une raison pour tout excuser?

« Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Chinois, les Américains, soient des races entièrement différentes… Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu’ils ne doivent point cette différence à leur climat, c’est que les nègres et les négresses, transplantés dans des pays les plus froids, y produisent toujours des animaux de leur espèce… »

"Les Samoïèdes, les Lappons, les habitants du nord de la Sibérie, ceux du Kamshatka, sont encore moins avancés que les peuples de l'Amérique. La plupart des Nègres, tous les Cafres, sont plongés dans la même stupidité, et y croupiront longtemps." 

  "L'homme est un animal noir qui a de la laine sur la tête, marchant sur deux pattes, presque aussi adroit qu'un singe, moins fort que les autres animaux de sa taille, ayant un peu plus d'idées qu'eux, et plus de facilité pour les exprimer; sujet d'ailleurs à toutes les mêmes nécessités; naissant, vivant, et mourant tout comme eux."

 "Il me semble alors que je suis assez bien fondé à croire qu'il en est des hommes comme des arbres; que les poiriers, les sapins, les chênes et les abricotiers, ne viennent point d'un même arbre, et que les blancs barbus, les nègres portant laine, les jaunes portant crins, et les hommes sans barbe, ne viennent pas du même homme.(...)"

  " Il y avait alors une petite nation, aussi vagabonde, aussi méprisée que les Juifs, et adonnée à une autre espèce de rapine ; c'était un ramas de gens inconnus, qu'on nommait Bohèmes en France, et ailleurs Egyptiens, Giptes ou Gipsis, ou Syriens (...). Cette race a commencé à disparaître de la face de la terre depuis que, dans nos derniers temps, les hommes ont été désinfatués des sortilèges, des talismans, des prédictions et des possessions."

On peut aussi voir qu'il ne supporte pas l'homosexualité, qui était, semble-t-il, assez toléré dans cette époque, néanmoins, surtout dans les milieux dans lesquels il évoluait:

« Sextus Empiricus & d’autres, ont beau dire que la pédérastie était recommandée par les loix de la Perse ; qu’ils citent le texte de la loi, qu’ils montrent le Code des Persans ; & s’ils le montrent, je ne le croirai pas encor, je dirai que la chose n’est pas vraye, par la raison qu’elle est impossible ; non, il n’est pas dans la nature humaine de faire une loi qui contredit, & qui outrage la nature, une loi qui anéantirait le genre humain si elle était observée à la lettre. »

On peut aussi remarquer le fort antisémitisme qui anime Voltaire dans de nombreux textes et qu'on ne peut que déplorer, voire en  être choqué:

  "Si nous lisions l'histoire des Juifs écrite par un auteur d'une autre nation, nous aurions peine à croire qu'il y ait eu en effet un peuple fugitif d'Egypte qui soit venu par ordre exprès de Dieu immoler sept ou huit petites nations qu'il ne connaissait pas ; égorger sans miséricorde les femmes, les vieillards et les enfants à la mamelle, et ne réserver que les petites filles ; que ce peuple saint ait été puni de son Dieu quand il avait été assez criminel pour épargner un seul homme dévoué à l'anathème. Nous ne croirions pas qu'un peuple si abominable (les Juifs) eut pu exister sur la terre. Mais comme cette nation elle-même nous rapporte tous ses faits dans ses livres saints, il faut la croire."

 " On ne voit au contraire, dans toutes les annales du peuple hébreu, aucune action généreuse. Ils ne connaissent ni l'hospitalité, ni la libéralité, ni la clémence. Leur souverain bonheur est d'exercer l'usure avec les étrangers ; et cet esprit d'usure, principe de toute lâcheté, est tellement enracinée dans leurs coeurs, que c'est l'objet continuel des figures qu'ils emploient dans l'espèce d'éloquence qui leur est propre. Leur gloire est de mettre à feu et à sang les petits villages dont ils peuvent s'emparer. Ils égorgent les vieillards et les enfants ; ils ne réservent que les filles nubiles ; ils assassinent leurs maîtres quand ils sont esclaves ;ils ne savent jamais pardonner quand ils sont vainqueurs : ils sont ennemis du genre humain. Nulle politesse, nulle science, nul art perfectionné dans aucun temps, chez cette nation atroce."

Certains penseurs en font un des écrivains les plus antisémites qui soient, comme l'historien de la Shoah, Léon Poliakov.
Taguéïeff soutient même que les écrits de Voltaire s'inscrivent dans une banalisation de l'antisémitisme, celle qui assimile le judaïsme à des barbares rétrogrades, qui ont une civilisation obscure, et qu'il faut combattre au nom de la liberté et la démocratie...On a presque l'impression de la similitude de la pensée avec une certaine islamophobie actuelle, celle qui parle "du choc des civilisations" de manière qui se veut décomplexée...
Certaines leçons dans l'histoire sont effectivement curieuses et se rapportent à l'actualité dans une acuité troublante...

Car Voltaire est pourtant bien moins islamophobe qu'antisémite, même si certains de ses écrits sont assez choquants aussi sur le sujet...
Voici un extrait de ce qu'il pense de l'Islam:

« ses lois civiles sont bonnes ; son dogme est admirable en ce qu’il a de conforme avec le nôtre » mais que « les moyens sont affreux ; c’est la fourberie et le meurtre »

Puis un autre, où il l'oppose au judaïsme:

"Si ces Ismaélites [les Arabes] ressemblaient aux Juifs par l'enthousiasme et la soif du pillage, ils étaient prodigieusement supérieurs par le courage, par la grandeur d'âme, par la magnanimité : leur histoire, ou vraie ou fabuleuse, avant Mahomet, est remplie d'exemples d'amitié, tels que la Grèce en inventa dans les fables de Pilade et d'Oreste, de Thésée et de Pirithous. L'histoire des Barmécides n'est qu'une suite de générosités inouïes qui élèvent l'âme. Ces traits caractérisent une nation. "

Mais ce passage s'inscrit dans une longue suite de propos très contestables sur la manière dont Voltaire voit l'Islam, comme d'ailleurs les religions en général.

Il y a aussi une controverse sur le fait que Voltaire se serait enrichi sur le commerce des esclaves, on n'a pas pu démêler le vrai du faux, car, autant, dans Candide, il semble faire un plaidoyer contre, autant, certains de ses mots sont sans équivoques, par ailleurs:

" Nous n'achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l'acheteur.
          Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir."


 Lien pour en savoir plus sur Wikipédia, un article assez bien documenté et qui essaye d'être neutre.

Oui, être neutre, c'est ce qui nous fait trop souvent défaut. On ne peut que remarquer que chaque face de notre civilisation issue des Lumières a aussi son côté sombre, et qu'il est ainsi très malséant de critiquer les autres pensées, les autres cultures, quand la nôtre est aussi imparfaite.
Doit-on rejeter toutes les oeuvres de Voltaire, à la lumière de ses écrits? Il est évident que si nous le jugeons avec nos critères actuels, c'est ce qu'on ferait.
Doit-on tout excuser, sous prétexte du contexte passé, alors que d'autres penseurs, quelques temps après, ou avant, ne faisaient pas preuves d'autant de racisme et d'antisémitisme dans leurs écrits?
Doit-on le condamner, tout en oubliant qu'un homme comme Rousseau, qu'il détestait cordialement, faisait preuve d'une autre forme de racisme, en inventant le concept du "bon sauvage", un racisme bien plus larvaire, inaugurant le mythe moderne de la civilisation occidentale supérieure à tout autre, pour le bien de celui qu'on se doit d'éduquer un minimum?

Souvent, il n'est guère évident de trancher. Je préfère vous laisser ce choix-là.
Je vous demande juste de vous interroger et de vous faire votre propre opinion. J'ai la mienne, mais je n'ai pas envie de vous l'imposer. Où serait l'intérêt de bloguer sinon?
 
 
* "J'ai rassemblé des gueux, raconte-t-il. Il faudra que je finisse par leur fonder un hôpital." source ici
*ne  pas confondre mainmorte et servage lié à l'esclavage. Les Rouliers de Grandvaux étaient des commerçants roulants et se déplaçant dans tout l'Europe, mais liés à la mainmorte de l'évèque. C'est en cela que certains les qualifiaient de serfs mais il est douteux que de tels gens ne soient que dans une condition d' esclaves . Il faut être un peu sérieux, d'autant plus que le serf dépend de la terre qu'il cultive, il y est attaché comme un meuble source: ici
mainmorte: coutume qui fait que celui qui n'a aucun héritier lègue sa fortune au seigneur du coin, dans certains cas, la mainmorte se caractérise dans l'impossibilité d'hériter.

2 commentaires:

  1. Je me garderai de porter jugement sur de telles citations, qui se suffisent en elles-mêmes.

    En revanche, j'oserai un petit bémol : Wikipedia est d'une justesse variable, et d'une objectivité souvent mise en doute. Par moi, entre autres.

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    Réponses
    1. tout à fait d'accord avec toi, c'est la raison pour laquelle je disais que cet article était bien fait.
      J'ai assez vu que certains autres articles étaient limite, c'est clair!
      Et de toute manière, il ne fait jamais prendre des infos sans les vérifier avant :-)
      Bonne soirée

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