Mariage pour tous : une hirondelle ne fait pas le printemps

Certains de mes bons camarades de blogs se réjouissent de l'adoption du mariage pour tous ( à l'Assemblée, ne pas oublier que ce n'est pas fini, entre le Sénat et le volet famille qui se prépare, les opposants ne désarmeront pas) en pensant que c'est une bataille gagnée décisive contre l'homophobie. Le fait que des homosexuels pourront se marier et fonder une famille induira que les gens deviendront plus tolérants et ouverts envers eux.

Je vais rappeler d'autres situation de mariages, qui sont atypique ou plus fréquentes, afin de voir si le fait d'officialiser une union a pu rendre plus tolérant et ouvert ou si cela n'a rien changé, au regard des milieux traditionnels, conservateurs et aussi des français moyens, banals, ordinaire, ni plus meilleurs ni moins pires que les autres.

Souvenez-vous de Yves Montant et Carole Amiel, Barclay et ses femmes, Anna Nicole Smith...des couples atypiques, mais très mal jugés et qui ont eu toutes les peines du monde à exister sans le regard négatif de certains, attirant la presse à scandale...

J'ai eu l'occasion de constater une situation de ce genre dans la campagne profonde, avec des gens lambdas, au milieu de personnes ordinaires et normales. On me l'a raconté.

Il y a environ 25 ans, un homme de presque 40 ans s'éprend d'une femme de vingt ans sa cadette. Ils se fréquentent, avec l'acceptation des parents de la demoiselle. Quand la famille proche s'en rend compte, les oncles et cousins tournent le dos à cette femme, sous prétexte qu'elle se ferait entretenir par un "vieux", on insulte le couple, on le rejette.
L'homme a honte de la situation et coupe les ponts avec son ancienne famille, son ex-femme, ses enfants. Ayant eu vent de cela, le père de cet homme, en réaction, ne veut plus le voir.

Ce couple se retrouve seul, avec quelques amis. La situation est tendue dans la petite ville. Les gens jugent. Ils décident d'acheter une maison à 20 kms de là, et essaient de se refaire une vie, se marient et ont des enfants.
Ce couple est fonctionnaire. On les connait donc dans la région. Ils recevront des lettres et des coups de fils anonymes jusqu'au décès de l'homme, du à un alcoolisme dont malgré son dernier mariage, il ne s'est jamais guéri.
La femme décède, malgré sa jeunesse, deux ans après. Elle buvait aussi. Une seule personne de sa famille s'est déplacée à son enterrement. Les enfants sont actuellement placés. Cette famille était coupée de ses liens familiaux et sociaux, ce sont les enfants qui en ont payé les conséquences.

Le mariage entre deux personnes qui ont un très grand écart d'âge est encore très mal accepté en France, alors qu'objectivement ces personnes ne font rien de mal, elles sont adultes et ne veulent que vivre en paix et fonder une famille.

Les couples  mixtes sont de plus en plus nombreux. il n'empêche qu'on suspecte que les différences culturelles puissent nuire à ce genre d'union. Il arrive qu'une des deux familles rejette le conjoint et s'éloigne de celui qui a fait le choix d'aimer une personne un peu différente de ce qu'on attendait.

Ces histoires sont régulièrement évoqués dans des reportages ou des documentaires: ces couples différents, on les expose dans les médias. Parfois, cela se passe très bien mais très souvent cela se passe mal.

Je ne crois pas que le mariage pour tous fera reculer l'homophobie. C'est insuffisant. Notre société doit se transformer bien plus en profondeur afin d'accepter ce qui est différent de la normalité sociale, du modèle social, de ce qui tranche des habitudes sociétales. Et ça, c'est bien plus difficile que de faire passer une loi.
Au contraire, je pense que le mariage pour tous va rencontrer des difficultés d'acceptation, malgré un bout de papier le légalisant.

Les centres d'IVG sont encore continuellement harcelés par les manifestants de groupuscules revendiquant l'interdiction de l'avortement. Nous sommes pourtant en 2013...
Les massacres des Afro-Américains ont continué après les droits civiques et le racisme dont ils font l'objet est encore bien présent, le KKK n'est pas mort, au contraire.
Des années après la décolonisation, des gens croient encore à l'infériorité sociale de principes des anciens colonisés.

La lutte contre l'homophobie se devra d'être encore plus vigilante, car elle se fera   dans les cours d'école également, lorsqu'un professeur ou un parent d'élève laissera filtrer qu'un enfant vit dans une famille homoparentale dont les parents sont mariés, dans un petit milieu provincial fermé, par malignité et homophobie latente...
 Combien d'enfants qui vont très bien seront surveillés et traqués comme forcément des gosses perturbés, car enfants de gays? Rejetés et moqués, avec dans chacun de leur geste de défense la preuve qu'ils auraient des problèmes...créés par l'ostracisme enfantin dont ils ont été l'objet...
Elle se fera aussi dans les administrations, où sous prétexte de racisme et de rejet, un fonctionnaire refusera un dossier à un couple officiel, puisque malgré la loi, il ne voudra pas leur donner les droits auxquels ils peuvent prétendre...
Elle se fera lorsqu'une famille homoparentale officielle se fera répondre que l'appartement a été loué, déjà...

Pour certains, tolérer un couple, c'est une chose, leur donner les droits qu'ils ont obtenus, c'est pas pareil...Comme si le mariage homosexuel allait leur voler quelque chose, alors qu'objectivement, cela ne leur ôte aucun privilège...

Si on n'y prend pas garde, cela risque de s'emballer très vite, car si le couple est seul, il ne gagnera pas.
Mais si on laisse cette lutte aux associations de défense des droits pour les homosexuels, on risque de les voir accuser plus tard de...communautarisme...et nous assisterons encore à un regain d'homophobie.
C'est en tout cas mon opinion: une hirondelle ne fait pas le printemps. Le mariage pour tous devra faire son chemin dans tous les esprits, avec la famille pour tous, et ça, c'est loin d'être gagné, très loin...

source de l'image ici qui montre combien l'homophobie est encore bien ancrée dans les lycées. Dans les collèges, trop souvent on tait cette identité par peur. Bien trop souvent...