Où va donc Elie Arié?

C'est un des piliers de Marianne 2, un ami de Juan (je m'excuse donc de ce que je vais faire), et un commentateur fervent des Coulisses de Juan.
Il agace souvent, on a l'impression qu'il aime faire la mouche du coche, le gentil troll qui sème la zizanie afin de nous faire réfléchir, il se fait d'ailleurs souvent moucher...
Je vais donc lui rendre la monnaie de sa pièce, puisque récemment, il m'a inviter à lire son article et à dire ce que j'en pensais.
Donc je m’exécute bien volontiers et n'étant ni son ami, ni sur Paris, je vais donc parler librement:
Il nous dit d'abord ceci:

Qu'est-ce que l'extrême-droite, aujourd'hui?
 
-le catholicisme intégriste? Mais que fait-on alors des nazillons qui se réclament du "paganisme"?
 
-le néolibéralisme sans entraves? Ce serait plutôt le domaine de Madelin, surtout depuis que le FN est devenu, au contraire, anti-mondialiste, anti-maastrichien et protectionniste. 


D'abord, j'émets de suite une réserve: il n'y a pas d'extrême-droite, il y en a plusieurs...certaines sont effectivement catholiques tendance intégriste, d'autres style néo-nazi(et pas forcément païens).
Puis il nous parle de libéralisme: là aussi, je tiens à nuancer. Madelin a évolué et penche maintenant sur un libéralisme social, qui accompagne la créativité des entreprises et est censé améliorer la vie de ceux qui travaillent...c'est bien, aussi, de se tenir à la page.

- le monarchisme maurrassien de l' « Action Française » ? Enterré depuis longtemps: c'est pour leur propre accession au pouvoir que se battent les Le Pen, pas pour celle des prétendants au trône.
 
- la dictature? C'est par le suffrage universel que les partis d'extrême-droite progressent partout en Europe, et qu'ils espèrent parvenir puis se maintenir au pouvoir; nulle part, ils ne disposent des troupes de choc leur permettant d'éliminer les autres partis politiques et leurs adversaires, et ne cherchent à s'en doter. 

Là, le souci avec Elie Arié, c'est qu'il lui suffit de nier pour que cela n'existe plus...une figure de rhétorique très grossière: car si il allait plus dans la moisisphère la plus rassie, il se rendrait compte que, non seulement l'Action Française est glorifiée et que cela ne va pas en contradiction avec la volonté de Marine Le Pen de prendre le pouvoir, c'est aussi une politique, quand même...
Car cela ne le dérange pas ensuite d'embrayer sur le fait que les partis racistes nationalistes cherchent le pouvoir par la voie des urnes...
Puis il nous dit qu'il n'y a pas de troupes de choc: ignore-t-il les activistes du Bloc Identitaire,entre autres, qui s'entrainent en toute tranquillité aux arts martiaux et abusent de provocations malsaines para-militaires?

- le racisme et l'antisémitisme? Cette composante idéologique a toujours été absente des fascismes franquiste et salazariste (et même mussolinien jusqu'à la 2 ème guerre mondiale). 


Là, je suis désolée, on frise le révisionnisme: le concept d'Hispanidad développé sous Franco de la "race espagnole" pure qui a fait sa grandeur, inspiré tout droit du mythe d'Isabelle la catholique, c'est quoi? de l'humanisme tout gentil?
En voici une preuve ici
Pour Salazar, il était influencé par Maurras (Tiens?) et s'il "tolérait" les juifs et protestants, de là à dire qu'il n'y avait ni racisme ni antisémitisme... le lien est édifiant...Il a d'ailleurs refusé de les faire entrer au Portugal les juifs qui fuyaient Hitler et a lourdement sanctionné ceux qui le faisaient

Sous l'ère soviétique et la Chine de Mao, les musulmans étaient tolérés si ils étaient discrets sur leur culte, cela en faisait-il des régimes tolérants et non racistes? Peut-on aller jusque là?

Quand au régime mussolinien, il est vrai que sa tentative de génocide en Libye afin de recréer une nouvelle Rome ne plaide pas franchement en sa faveur: massacres et déportations en témoignent.
Pas raciste, Mussolini?
Puis, quand on connait un peu les italiens, très catholiques, s'il en est, quand on voit que certain pensent encore que les juifs ont tué Jésus, malgré les messages de tolérance des Papes, cela fait un peu sourire...des caricatures, des stigmatisations antisémites, il y en a eu un paquet sous Mussolini...

Nous continuons donc:
Il nous parle encore du fait que les électeurs FN ne semblent pas concernés par des" accusations "qui seraient trop vieilles:

Pourtant, on a toujours voulu dédramatiser la montée du FN, soit parce que ça fait des bons papiers à sensation, soit parce que certains politiciens s'en servent pour faire peser plus leurs voix dans la balance, soit parce qu'on les a trop souvent considérés comme de pauvres victimes...sans compter que le vote FN est un vote contestataire très souvent, fait par des personnes qui ont une éducation politique limitée et ne se rendent pas compte de la portée de ce qu'elles font: témoin les 82% de Chirac en 2002....
Mais bon, passons...

René Rémond a, depuis longtemps, identifié les trois courants de la droite française, dans une distinction devenue désormais classique :
 
- conservatrice, réactionnaire, recherchant le retour au passé,
- orléaniste, légitimiste, démocrate, ouverte aux réformes dans la légalité,
- bonapartiste, jacobine et autoritaire (pouvant d’ailleurs être soit réactionnaire, soit authentiquement réformatrice). 

René Rémond: grand historien, s'il en est, qui a eu son heure de gloire...dans les années 60-70...il y a 50 ans donc...
Je l'ai assez "bouffé" pendant ma classe prépa et mes études...Le grand "Ponte" spécialiste du... XIXème siècle...bien, très bien...On est vachement avancé avec ça...
Qui a caractérisé sa vision de la droite sans tenir compte du gaullisme et du radicalisme, encore moins du libéralisme...Car de Gaulle, qui a réuni des gaullistes de droite et de gauche, ne cadre pas du tout avec cette   classification, puisqu'il est tout ça et encore plus...
Pour le coup, c'est hors-sujet: surtout que la vraie caractérisation de Rémond est:
-orléaniste( de Louis Philippe d'Orléans)
-légitimiste( de Charles X)
-bonapartiste(no comment)
Que Rémond ait  rectifié quelque peu en 2005 en fait quand même un historien remarquable mais  dépassé...depuis, nous avons eu le sarkozysme, quand même...

Mais il s'avère que Elie Arié s'attache quand même à rechercher un nouveau René Raymond pour nous caractériser ce fatras que sont les extrêmes droites, qui ne seraient ni intrinsèquement racistes, ni même vraiment fascistes...alors qu'il suffirait une fois pour toute de démontrer leur incompatibilité avec la Constitution Française et de rendre leurs actes et paroles intolérables pour la Démocratie comme pour eux.

Nous avons l'arsenal pénal, encore faudrait-il que nous nous décidions à l'appliquer...et continuer sans relâche à lutter contre cette espèce de fascination malsaine que certains médias et politiques entretiennent à l'égard de ces formations...

Parce que justement, c'est le laxisme envers les extrêmes droites qui nous a mené jusque-là, et aucunement une forme de "lutte" qui aurait échouée.

Et arrêter de se voiler la face: appeler un chat un chat. Un homme politique du FN qui tient des propos racistes est un délinquant, pas quelqu'un qui use de la liberté d'expression.
Donc où voulait aller Elie Arié?

Même si l'article d'Elie Arié part d'une bonne intention, cela ne fait rien d'autre que leur donner une importance exagérée et surtout une légitimité que les extrêmes droites n'ont pas et n'auront jamais.