L'air du temps est encore froid, le
printemps tarde, il arriverait le week-end prochain. Mais l'atmosphère
politique n'est pas décontractée. Chacun se rejette la responsabilité d'une
corruption qui serait endémique. Soit.
On réclame des lois. On veut des châtiments. Pas de pitié. Seule la répression
peut stopper la pandémie. Seule l'interdiction nous sauvera.
Je vais vous surprendre, en reprenant le
début d'un commentaire de Didier Goux chez Elody (la suite du commentaire n'a aucun intérêt ici). Il
dit, en gros que la fraude, c'est comme la prostitution, on aura beau faire ce
qu'on veut, on ne la fera jamais disparaitre.
Il a raison. C'est un fait. Mais je ne
crois pas qu'ici, nos avis vont converger, par la suite.
Un autre fait me pose un problème. Beaucoup
de gens, dont moi, pensons que la répression de la criminalité n'est qu'un
pis-aller, un leurre si on n'en traite pas les causes. Cet avis dépasse les
clivages droite/gauche. Je prend l'exemple des vols, de la criminalité issue
souvent de la pauvreté et de la détresse des auteurs. Il est effectif que la
délinquance a un terreau de misère. Si nous voulons nous attaquer en profondeur
aux causes de la criminalité, nous devons insuffler plus de justice sociale et
donner de réels droits aux populations défavorisées afin d'améliorer réellement
leur vie.
Pourtant, ce raisonnement simple disparait
lorsqu'on parle de lutte contre la fraude et la corruption. Là, on ne parle
plus que de justice, de loi, de répression.
On ne se penche pas sur les raisons de ces
comportements, pourquoi certains franchissent cette ligne, et c'est encore plus
vrai quand les auteurs incriminés de ces fautes ne sont pas dans le dénuement
financier.
Ils n'ont aucune circonstances atténuantes.
Oui mais...
Un proverbe chinois dit: "les principes
gouvernent les hommes bons, les lois les hommes méchants".
Un autre proverbe de chez nous dit
"les lois sont faites pour être contournées".
Il existe un autre fait: depuis que le
financement des partis a été codifié afin de rendre celui-ci transparent et
éviter fraudes et abus, on finit toujours par en retrouver des traces dans le
financement, des soupçons, des présomptions comme l'Affaire de Karachi,
Bettencourt, ou autres...
Depuis les mesures contre les paradis
fiscaux, rien de nouveau sous le soleil.
Il semble plus facile, rentable, de vivre
en plaçant son argent afin de payer moins d'impôts. Que la personne dissimule
des centaines d'euros ou ait des centaines de milliers d'euros comme Cahuzac ou
des centaines de millions comme certaines sociétés occidentales ou autres
importe peu.
Le mécanisme de base, qui fait qu'on
bascule dans cet engrenage, qui fait qu'on passe de quelqu'un de normal à
quelqu'un qui fraude, c'est là où devrait se trouver la réflexion. Mais cela
vaut pour tout.
La meilleure façon pour arrêter la
corruption et la fraude, comme toute délinquance, c'est de faire en sorte que
la plupart des gens ne commencent pas à frauder.
Je dis "la plupart des gens", car on trouvera
toujours des personnes malhonnêtes dans leurs principes.
Prenons l'exemple de la peine de mort: elle
ne dissuade pas les meurtres, c'est même le contraire. On constate partout des
crimes de plus en plus violents là où elle est appliquée. Celui qui la risque n'a rien à perdre de pire.
Pourquoi en serait-il différemment dans
tout comportement délictuel?
C'est cela qui est curieux, dans le
comportement que j'observe dans les milieux de gauche et au-delà: la tendance au tout répressif au
sujet de la corruption ne dérange pas, au contraire, alors que pourtant, quand
il s'agit des droits de Roms, ou des sans-papiers, ou d'humaniser avec raison
les prisons, le discours n'est pas le même à gauche.
En quoi l'ouverture
d'esprit et la tolérance ne devrait pas exister pour comprendre et démonter ce
qui pousse des gens honnêtes à frauder, si on
ne mélange pas ceux qui ont fait de l'escroquerie un art de vivre avec ceux qui se sont fait prendre dans un
engrenage, qui, d'ailleurs peut se trouver totalement légal, mais moral, là,
c'est une autre histoire....
On va prendre un autre paradoxe: frauder
les impôts ne vaut que si on taxe. Par exemple, dans des pays qui n'ont pas ou
peu d'impôts sur le revenu, il n'y a pas de fraude fiscale. A quoi bon?
Ici, on est bien forcé de reconnaitre que
les libéraux ont raison quand ils dénoncent le trop grand matraquage des impôts
sur les richesses de notre pays. Surtout qu'un consommateur lambda paye sa dime
sur tout ce qu'il consomme via la TVA. Vaste débat dont je n'effleurerait que
la surface ici. Mais il est vrai que parallèlement à la lutte contre la
corruption et la fraude fiscale, la Russie a baissé les impôts jusqu'à un taux
de 13% sur le revenu.
Je ne prétend pas du tout avoir des
solutions miracles dans ce billet. Je veux juste comprendre pourquoi les
oppositions et les violences nous poussent dans une dérive totalitaire du tout
répressif.
Et si il est bon de dénoncer les lois
sécuritaires qui nous pourrissent la vie depuis des années et qui nous
séparent, il est aussi bon de mettre en garde contre la tentation de jeter le
haro sur tous les riches, tous les politiques, car entre poujadisme et relent
de la Terreur, notre histoire nous enseigne qu'on ne peut pas mettre un pas
vers cette direction sans de graves conséquences. Je ne vise personne ici de
particulier. Je ne ferai de procès en intention à quiconque, par conséquent.
Je suis juste triste sur ce que je lis,
ici, et là.
Hugo disait que la tenue rouge du forçat
venait de la robe rouge du magistrat.
Certains penseurs croyaient que la tyrannie
naissait de lois injustes.
La
justice doit être la même pour tous. En sommes-nous à ce stade? Du sentiment
d'injustice naissent tous les excès, les poussées démocratiques comme les plus infectes.
En conclusion, si la graine de la
corruption pousse, c'est qu'on l'a plantée, c'est qu'on l'a arrosée, comme
toute chose. Si elle est devenue une liane aux multiples racines et extensions,
c'est qu'on l'a laissée prospérer. Si d'autres cherchent à la déraciner,
d'autres en feront pousser ailleurs. Cela ne sert donc pas à grand chose de
faire des lois si on ne s'attaque pas à la racine du mal.
Et
je suis désolée d'être une des seules à parler de cela. L'homme n'est ni bon ni
mauvais. Il fait des choix, en fonction des situations qu'on lui propose ou qu'on lui impose. Il a
son libre-arbitre. Ce n'est pas un vulgaire primate.
Faisons en sorte que la plupart
puissent faire le bon choix. Arrêtons
d'asservir les hommes et les femmes par des lois de plus en plus liberticides,
et cela vaut pour toutes les tendances politiques.
Arrêtons d'accuser tout le monde et
n'importe qui d'avoir la capacité de se transformer en criminel, fraudeur,
délinquant, corrompu.
Il y a pourtant un principe que ceux qui
ressemblent un peu plus chaque jour à des procureurs en herbe oublient: la
présomption d'innocence vaut pour tous et la normalité quand même dans ce fichu
pays, c'est d'être honnête!
Droit , Justice et équité : il y a urgence à relire le "Contrat social" et à dire que la "Morale civique" le sous-entend ...
RépondreSupprimerIl y a quelque chose de très juste dans ce que vous dites : vous dites que cela est sous-entendu.
SupprimerMais pour beaucoup de gens, ce sous-entendu n'existe plus, parce qu'ils ont été trompé ou pour d'autres raisons.
C'est tout l'enjeu : refaire de ce que vous appelez la "morale civique" une réelle base.
merci
La justice, c'est compenser une baisse des taxe par une hausse des impôts directs (l'inverse de ce qu'on remarque), tout en accordant une grande importance à la fraude des plus riches (a priori les plus rentables). Cela va bien sûr à l'encontre de la liberté de circulation des capitaux prônée par les instances bruxelloises sous la pression... des plus riches bien entendu.
RépondreSupprimerEn fait, la violence n'est pas la cause de la répression, elle est sa conséquence. Les USA ont une police très dure, un taux carcéral de 3,7% de la population (y compris les probations et libertés provisoires), et c'est un pays violent. La Colombie est dans la même ligne de "conduite". Les violences, trop souvent, sont causées par une misère entretenue par les plus riches.
On notera aussi que la théologie de la Libération, qui lutte contre les injustices, est pourchassée jusqu'au meurtre à la fois par les USA et le "Saint-Siège". La violence est non une fatalité, mais une stratégie des Grands.