Il y a des moments qui sont très difficiles, pour une famille.
Ce qu'on appelle les soins palliatifs pour un parent en fin de vie en est un exemple.
Nombre de personnes ne peuvent que demander, supplier qu'on mette fin à leurs jours, n'en pouvant plus d'une situation infernale qui les fait souffrir horriblement, les proches sont démunis, parfois ils prennent le risque d'aider au suicide la personne, parfois, c'est le soignant qui finit par le faire.
On parle d'euthanasie: ce mot fait peur. Il renvoie aux animaux. Il renvoie à une réalité froide, une mécanisation de la mort. Ce mot n'est pas juste ici. Car ce qui est plus une déshumanisation, c'est parfois de vouloir à tout prix maintenir un corps et une âme en souffrance, se retrouver dans un acharnement thérapeuthique.
Pourquoi le suicide assisté est une réforme qui doit être menée, afin de donner l'opportunité au malade de pouvoir mettre fin à ses souffrances?
Parce que tout le monde peut y être confronté, que ce soit dans la peau du malade ou de la famille. Aider une personne en fin de vie à s'éteindre dignement, ce n'est pas facile, c'est aimer et entourer ce proche, avec l'ombre de la mort qui se ressent, palpable, et qui rend encore plus réel la vie qui s'échappe, l'affection et les gestes qui parlent, dans une main qu'on étreint, un regard qui interpelle les sentiments...
Alors, il faut réformer la fin de vie, et donner le droit à ceux qui le veulent de partir quand ils veulent, lorsqu'ils ne peuvent plus le faire eux-même, plutôt que de les plonger dans un coma artificiel afin que la maladie ne transforme pas tout le corps en un brasier ardent de douleur.
Une grande majorité de français sont d'ailleurs pour. Oui, cela nous concerne tous, au nom de la dignité et du respect.
Un extrait du Scaphandre et du Papillon, de Jean-Dominique Bauby:
"J'ai connu des réveils plus suaves. Quand j'ai repris conscience, ce matin de la fin janvier, un homme était penché sur moi et couturait ma paupière droite avec du fil et une aiguille comme on ravaude une paire de chaussette. J'ai été saisi d'une crainte irraisonnée. Et si dans son élan l'ophtalmo me cousait aussi l'oeil gauche, mon seul lien avec l'extérieur, l'unique soupirail de mon cachot, le hublot de mon scaphandre? Par bonheur je n'ai pas été plongé dans la nuit. Il a soigneusement rangé son petit matériel dans des boîtes en fer blanc tapissée d'ouate et, sur le ton d'un procureur qui requiert une peine exemplaire à l'encontre d'un récidiviste, il a juste lâché :"six mois." De mon oeil valide, j'ai multiplié les signaux interrogateurs, mais le bonhomme, s'il passait ses journées à scruter la prunelle d'autrui, ne savait pas pour autant lire dans les regards."
Ce qu'on appelle les soins palliatifs pour un parent en fin de vie en est un exemple.
Nombre de personnes ne peuvent que demander, supplier qu'on mette fin à leurs jours, n'en pouvant plus d'une situation infernale qui les fait souffrir horriblement, les proches sont démunis, parfois ils prennent le risque d'aider au suicide la personne, parfois, c'est le soignant qui finit par le faire.
On parle d'euthanasie: ce mot fait peur. Il renvoie aux animaux. Il renvoie à une réalité froide, une mécanisation de la mort. Ce mot n'est pas juste ici. Car ce qui est plus une déshumanisation, c'est parfois de vouloir à tout prix maintenir un corps et une âme en souffrance, se retrouver dans un acharnement thérapeuthique.
Pourquoi le suicide assisté est une réforme qui doit être menée, afin de donner l'opportunité au malade de pouvoir mettre fin à ses souffrances?
Parce que tout le monde peut y être confronté, que ce soit dans la peau du malade ou de la famille. Aider une personne en fin de vie à s'éteindre dignement, ce n'est pas facile, c'est aimer et entourer ce proche, avec l'ombre de la mort qui se ressent, palpable, et qui rend encore plus réel la vie qui s'échappe, l'affection et les gestes qui parlent, dans une main qu'on étreint, un regard qui interpelle les sentiments...
Alors, il faut réformer la fin de vie, et donner le droit à ceux qui le veulent de partir quand ils veulent, lorsqu'ils ne peuvent plus le faire eux-même, plutôt que de les plonger dans un coma artificiel afin que la maladie ne transforme pas tout le corps en un brasier ardent de douleur.
Une grande majorité de français sont d'ailleurs pour. Oui, cela nous concerne tous, au nom de la dignité et du respect.
Un extrait du Scaphandre et du Papillon, de Jean-Dominique Bauby:
"J'ai connu des réveils plus suaves. Quand j'ai repris conscience, ce matin de la fin janvier, un homme était penché sur moi et couturait ma paupière droite avec du fil et une aiguille comme on ravaude une paire de chaussette. J'ai été saisi d'une crainte irraisonnée. Et si dans son élan l'ophtalmo me cousait aussi l'oeil gauche, mon seul lien avec l'extérieur, l'unique soupirail de mon cachot, le hublot de mon scaphandre? Par bonheur je n'ai pas été plongé dans la nuit. Il a soigneusement rangé son petit matériel dans des boîtes en fer blanc tapissée d'ouate et, sur le ton d'un procureur qui requiert une peine exemplaire à l'encontre d'un récidiviste, il a juste lâché :"six mois." De mon oeil valide, j'ai multiplié les signaux interrogateurs, mais le bonhomme, s'il passait ses journées à scruter la prunelle d'autrui, ne savait pas pour autant lire dans les regards."
Témoignage :
RépondreSupprimerLui et moi avions rédigé une déclaration anticipée d'euthanasie, ne nous doutant pas qu'elle allait être utilisée quelques années plus tard.
En septembre 2004 on lui a découvert un cancer du pancréas, nous savions tous les deux ce que cela signifiait.
Nous avons été remarquablement suivis. Nous avions fait part à l'oncologue de notre désir de connaître l'évolution exacte de la maladie, sans langue de bois, ce qu'elle a fait.
En juillet 2005 le cancer ne répondant plus au traitement il fut arrêté.Les métastases se disséminaient dans tout le corps et atteignaient le cerveau, le handicapant pour marcher, écrire, peindre et puis manger et même parler.
Il a décidé, après que nous en ayons parlé, de demander l'euthanasie. Il a demandé à l'oncologue si elle acceptait, ce qu'elle a fait, se chargeant des formalités.
Nous n'en avons pas parlé à notre médecin traitant connaissant son opposition.
La date fut fixée au 2 août 2005 à 19h. Cette dernière journée fut paisible, nous avons profité ensemble de chaque minute de cette journée ensoleillée passée en grande partie dans notre jardin.
L'heure arrivée, il s'est installé dans mes bras, sur le lit, la tête contre mon coeur, sa main dans la main de son ami d'enfance installé de l'autre côté du lit.
Pendant que l'oncologue assistée de l'infirmière de l'hôpital de jour lui injectait les produits, nous nous sommes dits des mots d'amour. Il s'est endormi le sourire aux lèvres, paisiblement.
Il est mort comme il a vécu avec moi : beau, grand, lucide, debout.
Et, si, aujourd'hui encore je crève de chagrin de son absence, je souhaite à tous cette mort digne et paisible. Et je me la souhaite à moi.
Sur l'avis de décès, cette phrase qu'il avait choisie : "Mourir n'est rien. Le pire c'est de ne plus Vivre. J'ai choisi de partir dans le vent vers le néant."
En ce 30e anniversaire de l'ADMD, je voulais vous remercier de vous être battus pour qu'il ait le choix de mourir comme il l'avait choisi : dignement.
(Paru dans le bulletin trimestriel de l'ADMD n° 124 - 2e trimestre 2012)
La liberté de vivre ou de mourir, est la dernière et ultime liberté d'un individu, il est intolérable que la réponse à ce choix soit le fait d'autrui.
Que ceux qui sont contre ne la pratique pas, je ne leur impose pas mes choix philosophiques et leur demande de faire de même.
Merci pour ce témoignage, Anne-Marie. Quelle dignité.
RépondreSupprimerSur FR3,la série Plus Belle La Vie a effleuré, il y a quelque temps, cette immense question et y a répondu avec la même lucidité que vous, avec la même réponse.
Merci encore.
Elle n'a pas quitté son lit pendant vingt ans. Paralysie, souffrances, passages de "folie", elle a tout connu. Et puis conséquence logique : hospitalisation dans le coma. Le pneumologue veut ajouter des tuyaux : niet de la famille. Elle se réveille toute seule, revient à la maison. Mais tous les mois il faut remplir sa pompe à morphine, ce qui est un calvaire pour la transporter au Centre antidouleur. Une fois nous constatons que le réglage était bon, qu'on peut le laisser ainsi. Il est augmenté. Une nuit quelques jours plus tard, nous parlons intarissablement. Elle est bien. Elle met ses petites affaires en ordre dans sa tête. Le matin approche, nous nous endormons. Elle ne se réveille pas.
RépondreSupprimerUne très belle fin, après plus de vingt ans de cauchemar. Merci à quelqu'un.