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vendredi 23 février 2018

quand le vocabulaire de la haine nous envahit: les migrants






Nous sommes pollués sans nous en rendre compte par l'univers idéologique du racisme et de l'extrême-droite, et ce dans notre quotidien et je vais vous en démontrer la raison.


Louis-Ferdinand de Saussure disait que la sémantique, le choix du vocabulaire, n'est jamais innocente car elle nourrit des sous-entendus et connote ce qui ne doit pas l'être, en d'autres termes, pervertit ce qu'on qualifie et le "diabolise". C'est assez curieux quand on connait d'ailleurs la propension de l'extrême-droite à crier à la victimisation et la diabolisation quand on contrecarre leur discours.

" la description sémantique n'est jamais innocente des présupposés qu'elle vient nourrir, et c'est dans ces présupposés, me semble-t-il, que se trouve la matière la plus cruciale des débats linguistiques du temps."

Si là, Saussure parle de linguistique et de séparation des thèmes, en remettant l'historique, le pragmatisme dans l'évolution de la sémantique, on peut parfaitement extrapoler, aller au delà pour voir comment on arrive à être pollué par les thèses de l'extrême-droite dans des discours de politiques qui se disent de gauche, du centre et de droite républicains.

Nous allons prendre le thème actuel en vogue des réfugiés et demandeurs d'asile, qui devient très populaire et vendeur en terme de débat dans les médias, sur les Réseaux Sociaux et ailleurs.


La situation est la suivante:

Notre pays est dans une situation migratoire et au niveau de la géographie des populations, de la dynamique de la natalité, en décroissance, voire en crise:

- crise de la natalité, en baisse depuis deux ans, le remplacement des classes d'âge les plus âgées ne se font pas, occasionnant par là même une crise sociétale au niveau de nos anciens, qui s'amplifie et qui n'est qu'au début: bientôt, faute de jeunes cotisants et de jeunes tout court, nous aurons une pléthore de personnes âgées sans ressources et dans une santé précaire.

-crise migratoire sans précédent effectivement, car il existe une hémorragie de jeunes diplômés français qui quittent le pays, faute d'avenir, et nous ne sommes plus un pays attractif, plus personne ne pense venir en France s'établir pour prospérer....car la plupart des gens savent que la France est en crise profonde, effectivement civilisationnelle, car le racisme et les discriminations y font plus l'actualité que les créations d'emploi. La France n'attire plus que le désespoir.

-ceux qui arrivent chez nous sont en majorité des gens qui sont en danger de mort dans leur pays, soit par une crise économique encore plus terrible que la nôtre, un pays ravagé par les crises climatiques, ou la guerre que nous  avons causé ou contribué à faire prospérer la plupart du temps.

Ce sont des demandeurs d'asile, des réfugiés, qui sont en crise humanitaire et ne choisissent pas de venir ici de leur plein gré.


Vous vous souvenez de la chanson Lilly?

"dans un bateau plein d'immigrés, qui venaient tous de leur plein gré vider les poubelles à Paris"

Maintenant, travailler aux poubelles est un job comme un autre, qui a même des avantages et ceux qui viennent en bateau y sont contraints, ce n'est pas le gouvernement français qui affrète des navires afin de recruter des gens car la croissance de la France est tellement forte qu'on offre des jobs en pagaille....vous me direz, avant , nous étions en plein emploi et on parlait déjà d'envahisseurs....

Maintenant, penchons-nous sur le terme immigration:

 C'est l'action de venir travailler et s'installer dans un pays mais pour que cette immigration soit réelle, il faut qu'il y ait des perspectives d'avenir, soyons un minimum sérieux.
Ceux qui émigrent de France vers Dubaï, les USA, y vont en pensant avoir une perspective économique viable. Ce sont des immigrés également.
Ceux qui vont et viennent en quête d'emploi sont effectivement des migrants mais chez eux, ils ont un foyer, ils ont une vie.

Les réfugiés n'ont plus rien.

Ce ne sont pas des "migrants".

Le terme migrant apparait en adjectif qualificatif en 1951, venant qualifier le nom travailleur ( source CNRTL). Il devient un nom, c'est à dire un substantif en pleine vague d'importation de main d'oeuvre étrangère, en 1961.
Ce terme insiste sur la migration , ce qui est perçu comme le déplacement d'étrangers. On parle de certains comme d'espèces animales, c'est une migration, ce sont des migrants.
La notion d'envahissement n'est pas loin.
Afin d'insister sur le fait que ces gens, souvent d'origine portugaise, italienne, espagnole, polonaise, puis magrébine, noire-africaine, ne sont pas des gens de chez nous, on les caractérise par ce qu'ils sont censer faire, immigrer, avec le préfixe im- qui est lui même agressif, vers l'intérieur, ces gens rentrent dans un pays pour y migrer.
S'ensuit une longue période où on continue de caractériser des gens qui ont bientôt trois générations installées en France, d'immigrés...chose bien pratique pour ne pas les nommer comme ce qu'ils sont maintenant, soit, des Français, des citoyens, comme les autres

En les nommant immigrés, migrants, par leur supposée action présente ou passée, on les déshumanise.


Dans les années 70, arrive la crise des boat people, puis la vague des réfugiés politiques du moyen-orient.
Les boat people, on arrive à les accueillir.
 Les réfugiés, on les tolère et puis, ils font bien sur le CV de cette France qui se sent encore patrie des droits de l'homme malgré ses centaine d'années de colonialisme.
C'est Salman Rushdie, par exemple en Angleterre. En France, on accueille nombre de libanais, iraniens,  intellectuels ou artistes.
 On les monte au pinacle et on accueille ces intellectuels source d'enrichissement culturel dans la France de Mitterrand et Jack Lang, avec délice.
On tue pourtant de jeunes français d'origine immigrée, comme Malik Oussékine.
Puis on commence à parler de ces sans papiers, clandestins , noirs, arabes, sensés se cacher et prendre le travail des français,avec l'arrivée de Le Pen dans la vie politique.
En effet, ces gens sont sans papier, et se cachent, donc clandestins.
C'est encore là la caractérisation d'un processus de déshumanisation.
Les gens ne sont plus hommes, vieillards, femmes ou enfants, mais sont caractérisés par leurs attributs: sans papier, clandestins, la caractérisation d'une administration judiciaire, avant, la caractérisation de l'immigration découlait de l'activité économique, vous me direz.

Mais ces espèces d'épouvantail, de mythe urbain, que sont devenus les sans-papiers, les clandestins, les immigrés, est en train de culminer avec le terme migrant que l'on sert à toutes les sauces, de nos jours.

On les caractérise par une action que l'on suppose, soit qu'ils viennent s'établir chez nous, ce qui est complètement faux, d'ailleurs. Nombre de réfugiés retournent chez eux, une fois la paix ou la prospérité retrouvée.
On les classe donc selon des critères économiques et juridiques, même dans les associations qui sont sensées leur venir en aide...
Des migrants...
Comme si on appelait les Français les sédentaires, les mangeurs de grenouilles...ah tiens si, ça les anglo-saxons le disent et ça se nomme du racisme, d'ailleurs.



Dans la caractérisation migrant  disparaît la raison humanitaire qui fait que ces gens arrivent ici, en France.

Ce n'est plus depuis longtemps une raison économique, encore que la conséquence pourrait l'être, et de manière bénéfique.
Les Allemands se portent plutôt bien, avec leur million de réfugiés accueillis, d'ailleurs.

Ces gens-là fuient la guerre, la famine, les ravages du climat sur leur pays, s'ils ne partaient pas, ces gens-là en mourraient, ils ne choisissent pas de venir ici.
Ce sont des gens qui se réfugient ici et sont demandeurs d'asile pour la plupart et trier la misère de ceux qui viennent à cause de la guerre ou d'une économie ravagée par les exigences du FMI et la corruption entretenue par nos financiers....euh...c'est d'une mauvaise foi immonde de vouloir distinguer ces gens de part leur future situation administrative, Mais c'est ce que la patrie des droits de l'homme fait.

Si on accepte leur demande d'asile, ils auront un statut de réfugié, sinon ce seront  des clandestin ou des sans papiers...voire même des "dublinés", là, on leur enlève même leur capacité à agir vu qu'on les réduit à une réglementation européenne qui agit sur eux sans qu'ils puissent contester la "dublinisation", un processus passif....


Mais  maintenant, on fout toute cette misère dans un grand sac qui pue linguistiquement parlant, vu que ce sont tous des migrants....notez le péjoratif de ce terme, linguistiquement parlant, le -i est agressif et le -ant précédé des gutturales -gr sonne de manière plaintive....
Les mots ne sont pas innocents, ils ont bien un sens.

Le migrant n'est pas le français, ni l'être humain, ni notre égal, c'est un migrant.

C'est en quelques sortes, le vocabulaire de la haine du FN, de l'extrême droite, du racisme qui nous a envahit et nous tient dans son idéologie.
Quelque part, on a abdiqué à la peur de l'autre qui n'est même plus une personne, non, c'est un migrant,

Et ça culmine dans la loi dite "asile immigration" de Gérard Collomb.

" le constat que fait Gérard Collomb sur les difficultés qu'a la France à subir des vagues d'immigration est le bon "

Louis Alliot, Bourdin direct.

Nous avons là toute la sémantique du Front national et de l'extrême-droite en particulier.
Des vagues d'immigrations ....



Et on lui fait écho, nous, les "gentils", en parlant du drame des migrants...

On lui fait effectivement écho en parlant d'immigration, là où on a une problématique humanitaire, avec des personnes en détresse à secourir, qui viennent se réfugier où elles peuvent.
On colle le thème de la politique migratoire avec le droit d'asile. Cela se sublime dans l'infect dans le nom de cette future loi "asile-immigration"...

 On ne parle que de tri, de rejet, d'opposition, avec le présupposé du soit disant principe de réalité qu'est cette magnifique phrase "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde"...même si cette misère, on la créée en pillant les matières premières des pays de ces hommes et ces femmes et accessoirement on y entretient la guerre, bien entendu quand on peut, on va soi même la faire, on n'est jamais si bien servi que par soi-même, et là, ça ne gêne que peu de personnes de faire migrer nos soldats là bas...
Avec cette logique implacable immonde qui est qu'il est plus facile d'importer du pétrole ou de l'uranium que de pauvres gens à qui on a volé ce pétrole et cet uranium.
Vous me direz, c'est une autre histoire?
Je n'en suis pas si sure.
Il y a une chose qui crée facilement des échanges, c'est la capacité d'entretenir la haine et le rejet de l'autre, surtout quand on montre l'exemple.

En savoir plus:

le point de vue du HCR




















*Études sémantiques et pragmatiques sur le temps, l'aspect et la modalité, Louis Ferdinand de Saussure, Université de Neuchatel

2 commentaires:

  1. Après le décès de mon père j'ai retrouvé de vieux papiers qui m'ont remis en mémoire des trucs un peu oubliés.

    Mes parents étaient membres d'un "syndicat des migrants" qui a disparu au début des années 60. C'est via ce syndicat qu'ils ont rencontré une tapée d'autres migrants comme eux qui venaient d'ici ou là. L'histoire a été de longue durée : ma sœur s'est mariée avec un fils de syndiqués migrants rencontrés naguère par mes parents.

    Il y avait des subventions qui n'étaient accordées qu'aux migrants "véritables". Pour y être éligible il y avait une distance minimale requise entre lieu de départ / lieu d'arrivée et des critères administratifs.

    Mes parents venaient d'une autre région de France. Les ceusses qui venaient du département voisin — pas de jeu, c'était de la triche — n'étaient pas éligibles à ces subventions qui étaient loin d'être minables. J'ai le souvenir d'un prêt sans intérêt sur trente ans. Avec l'inflation galopante des années 50 à 70 le remboursement annuel était devenu dérisoire en comparaison du capital initial prêté ! Ils avaient acheté un tracteur et dix vaches laitières et remboursaient... deux-cents francs, trente euros par an !

    Mes parents migrants avaient fait 350 kilomètres à l'intérieur de la France. C'étaient des "étrangers" et ils étaient mal vus de la population locale. J'avais 20 ans la dernière fois que j'ai vu mon père pleurer de l'affront dégueulasse qu'un des ses voisins venait de lui faire.

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