Prostitution, une loi mal fichue aux carences dramatiques

J'en avais gardé sous le coude au sujet de ce projet de loi tellement crucial pour l'avenir de la femme, qu'il fait déserter les hémicycles et peint notre République aux couleurs d'une démocratie bancale, absentéiste et pitoyable : on pourrait se moquer des 100 manifestants que le Strass avaient mobilisés sauf que dans le camps d'en face, ils étaient à peine la moitié.

Tout ceci est de la poudre aux yeux, on se demande pourquoi ce débat, pour une loi qui coûte déjà cher en représentation parlementaire, dont le pays n'a absolument pas besoin pour vivre mieux.

On va mettre de côté ce qui me révolte vraiment en tant que femme, tiens, lisez le billet de Nicolas à ce sujet, je cite un des passages, dont l'ironie fait sourire, mieux vaut ça que de pleurer:

"Il n'empêche que quand je vois que l'on s'apprête à donner comme mission aux policiers et aux gendarmes d'arrêter des pauvres types qui vont se faire sucer, j'ai l'impression de me retrouver au temps où la France avait Raymond Marcellin comme ministre de l'intérieur. Je croyais que la gauche devait représenter le progrès et on se met à faire des lois guidées par la pudibonderie de certains, des lois de principe, pour se donner bonne conscience, même si elles ne pourront pas être appliquées..."

Voilà ce que Vichy pensait de la prostitution:

"En permettant à de jeunes gens d’assouvir leurs besoins sexuels, la prostitution les retarderait dans le mariage ; ce "fléau" est à ranger parmi les causes de la dénatalité. Plus encore, dans ce régime qui s’efforce de moraliser la vie sociale, la prostitution est une impiété : immoralité de celles qui vendent ce qu’elles ne devraient offrir qu’à leur époux, uniquement dans un but de conception, amoralité de ceux qui organisent cet odieux commerce. Fort d’une entreprise ambitieuse de "Rénovation Nationale", l’État français se targue d’une réforme profonde de la législation de la prostitution. Les pratiques observées s’en trouvent alors bouleversées, tantôt clandestines, fuyant la proscription réglementaire, tantôt tolérées, profitant au contraire de la corruption du système. "

"Maladie sociale, la prostitution est alors traitée telle une pathologie dont les victimes seraient mises en quarantaine : les corps prostitués y seraient aisés à contrôler tant en ce qui concerne les aspects sanitaires que moraux."

"La parole d’une prostituée reste prudemment interprétée du fait des nombreux stéréotypes attenant à cette identité. "

"Si les "filles" ne font pas directement l’objet de nouvelles mesures répressives, elles n’en sont pas moins victimes de l’instrumentalisation des corps prostitués décidée tant par ceux qui organisent le commerce vénal, que par les autorités judiciaires, lesquelles se servent de la détresse de cette condition pour l’avilir plus encore et parvenir à l’arrestation de proxénètes et autres entremetteurs."

Source: ici

Bon, ben, ça fait vraiment drôle, vous ne trouvez pas?

Maintenant, on va montrer toutes les failles de la proposition de loi:

-Une bonne partie des prostituées françaises indépendantes sont des hommes. La libération du corps de la femme, cela devient une bonne blague.

On voit tout de suite que ce projet n'a rien à voir avec la défense des droits supposés de la femme. On nie le caractère universel de la prostitution, en ne focalisant que sur les femmes, supposées toutes contraintes et violées (ce qui dénigre le viol, entre nous, et c'est ce qu'a dit un député écolo hier, au moins un courageux, lui).

-On l'a déjà dit dans maints sujets sur le web : mobiliser la police des mœurs afin de traquer les clients au lieu de traquer les réseaux internationaux. On l'a déjà dit et redit, la traite et l'esclavage sexuels sont mondiaux et c'est pas une loi comme cela qui va changer les choses. Priver d'approvisionnement les réseaux, cette bonne blague! Tu fais comment? Les grands trafics internationaux sont la prostitution,  le commerce d'armes et la drogue. Faut dire que la drogue n'existe pas, en France, c'est ça ? Vu notre législation?

- On prend le cas d'un client qui se fait attraper au bout d'une surveillance accrue, près d'un bordel clandestin tenu par une mafia étrangère. Il ne va pas payer la fille. Elle va aller au poste et on va essayer de sauver son âme, excusez-moi, on va lui demander de donner son souteneur. Admettons qu'elle ne dise rien, car elle a trop peur, c'est le souci que rencontrent les policiers, et c'est pourquoi c'est tellement difficile de chopper les réseaux. On va la relâcher, elle a rien fait de mal. Que croyez-vous qu'il va lui arriver?

Elle a perdu de l'argent, elle a été en contact avec la police. Les bonnes âmes sensibles ont-elles pensé aux conséquences? Se faire battre en représailles, par exemple. Ou menacer et punir la famille restée au pays. Grâce aux abolitionnistes, on met donc les prostituées étrangères en danger. C'est beau....Le lieu de prostitution sera encore plus clandestin, va se déplacer, c'est tout et chaque fois que les pauvres filles verront un uniforme, elles seront encore plus effrayées...

-On vient à la proposition visant à leur obtenir un titre de séjour au cas-où elles décident d'abandonner et de dénoncer leur proxénète.

C'est d'une stupidité rare.

Il va  y avoir afflux de femmes étrangères, afin de venir en France, c'est évident. Et bien entendu, qui sera derrière tout ça? Leurs proxénètes, tiens.

Ils vont les mettre à tapiner dehors quelques jours, de manière bien visible. Elles vont se faire interroger par la police, et manifester l'envie de donner leurs souteneurs. On en profite de se débarrasser de personnes gênantes dans l'organisation à moindre frais, puisque les noms seront donnés par les chefs de réseaux.

Et quoi de plus facile, d'aller ensuite leur faire un contrat de travail afin de les récupérer, avec un complice, comme masseuses, femmes de ménages d'un hôtel ou d'une maison de repos, elles sont donc légalisées, avec un permis, et en plus, payées le smic afin de bosser dans une maison de passe aux frais des abolitionnistes, tiens! L'amende? Il suffira de trouver des gens peu scrupuleux et le tour sera joué. Démanteler ce genre de trafic prend du temps et les chefs de réseaux ne seront pas inquiétés, encore une fois, juste leurs prête-noms, on verra l'affaire passer dans un quotidien régional en faits divers.

Et puis, une fois qu'on a des papiers, il suffira de migrer en Belgique, en Allemagne etc...

L'état français comme pivot de la prostitution légale européenne, fallait y penser, tiens. Ou surtout, fallait pas réfléchir aux conséquences de la bonne pensée positive abolitionniste...

Rien n'est fait contre le proxénétisme, rien du tout, en fait, une loi qui se donne bonne conscience, en prenant le cas de l'Allemagne où la prostitution est  réglementée afin de dire: voyez , les autres, c'est pas bien.

Les tenants de cette loi montrent du doigt pourtant des pays qui ont la même tare qu'eux. Car dans les pays de réglementation, on a donné pignon sur rue à des "patrons" de salon de massage, d"agences d'escort" etc...On a légalisé un certain proxénétisme, comme si, là-bas aussi, la prostituée devait être forcément une pauvre fille incapable de se débrouiller toute seule, forcément assistée, exactement ce que disent les abolitionnistes!

Jamais on ne se dit, dans cette bienséance dégoulinante, qu'une pute est une femme à part entière, qui peut être maitre de sa vie et indépendante. Pourtant, le STRASS demande bien ce statut-là, ne donner que le statut d'indépendantes et rien d'autre.

Comment on pensait déjà., dans la France de Vichy? Je vous remets la citation, quand même.

"La parole d’une prostituée reste prudemment interprétée du fait des nombreux stéréotypes attenant à cette identité. "

"Si les "filles" ne font pas directement l’objet de nouvelles mesures répressives, elles n’en sont pas moins victimes de l’instrumentalisation des corps prostitués décidée tant par ceux qui organisent le commerce vénal, que par les autorités judiciaires, lesquelles se servent de la détresse de cette condition pour l’avilir plus encore et parvenir à l’arrestation de proxénètes et autres entremetteurs."

A méditer....Et encore merci à Nicolas de m'avoir ouvert cette piste de réflexion et de comparer ce climat  abolitionniste au "si progressiste vichysme de l'an 40"...On comprend pourquoi cette loi ne passionne guère les gens.

C'est tellement actuel et progressiste, qu'un Copé la trouve pas si mal, cette loi, et qu'elle a été quand même faite grâce aux travaux parlementaires de l'UMP!

Cherchez l'erreur!