C'est diffusé sur le Nobs et c'est signé de grands noms dont Elisabeth Badinter
"Si la ministre des Droits des Femmes avait annoncé son intention de
mettre un terme à l'esclavage des femmes par les réseaux mafieux, tous,
hommes et femmes confondus, applaudiraient son initiative. Cette guerre
difficile à mener relève d'un impératif universel. Elle implique, entre
autres, une augmentation des effectifs de police, une meilleure
coopération internationale, une justice impitoyable et la reconversion
ainsi qu'une véritable protection des filles qui dénoncent leurs
proxénètes, associée à une possibilité effective de reconversion. Ce
n'est pas le cas aujourd'hui.
Mais l'objectif d'abolir à terme la prostitution, sous prétexte d'en
finir avec l'esclavage sexuel est d'une autre nature. Il ne s'agit plus
d'un impératif universel, mais d'un parti pris idéologique qui suppose
les postulats suivants : 1) La sexualité tarifée est une atteinte à la
dignité des femmes. 2) Les prostituées sont toutes des victimes et leurs
clients, tous des salauds.
Ces postulats sont éminemment discutables. Comme le clament les
prostituées non contraintes par un tiers et qu'on se refuse à entendre,
la dignité des femmes ne repose pas sur le critère des pratiques
sexuelles. Mieux vaut l'admettre : toutes les femmes n'ont pas le même
rapport à leur corps et la promiscuité peut être un libre choix. Une
femme n'est pas nécessairement victime de l'oppression masculine
lorsqu'elle se livre à la prostitution, soit qu'elle s'y adonne de
manière occasionnelle, soit qu'elle choisisse d'exercer à plein temps
cette activité plutôt qu'une autre. Enfin, au risque de faire grincer
des dents : les hommes qui fréquentent les prostituées ne sont pas tous
d'horribles prédateurs ou des obsédés sexuels qui traitent les femmes
comme des objets jetables. Etrangement, nul ne fait jamais mention des
prostitués homo ou hétérosexuels ni de la nouvelle "demande' des femmes
d'une sexualité tarifée.
En réalité, " l'abolition" de la prostitution, contrairement à celle
de l'esclavage, est une chimère. La sexualité humaine varie selon les
sociétés. Et, dans une même société, elle change selon les époques et
les classes. Ce n'est pas une raison pour imaginer qu'elle va se plier,
comme une cire molle, à l'utopie d'une sexualité parfaitement régulée.
La pénalisation des clients n'entraînera pas la suppression de la
prostitution. Ni les call-girls ni les réseaux par internet n'en seront
affectés, comme le prouve l'exemple suédois. En souffriront d'abord les
prolétaires du sexe, qui seront plus que jamais soumises à l'emprise des
proxénètes. Ces derniers profiteront de la situation, eux qui devraient
être la cible première de l'action répressive des pouvoirs publics.
Nulle inquiétude, les clients les plus favorisés se verront toujours
proposer des moyens discrets d'assouvir leurs désirs.
Au nom d'une conception abstraite de l'humanité, les
"abolitionnistes" [sic] veulent imposer à la société française leur
choix idéologique. Mais qui peut s'ériger en juge dans ce domaine
éminemment privé ? Chaque adulte doit être libre de ce qu'il veut faire
ou ne pas faire de son corps. Décréter illégal ce qu'on trouve immoral
n'est pas un grand pas vers le Bien, c'est une dérive despotique. Le
pouvoir politique n'a pas à intervenir dans les pratiques sexuelles des
adultes consentants. La priorité, c'est de faire de la lutte contre les
trafiquants d'êtres humains une cause nationale et d'y mettre les
moyens. Car là est le crime, et là est le défi. Poursuivre les clients,
c'est se donner à peu de frais l'illusion d'agir. C'est céder à la
tentation prohibitionniste qui consiste à tout espérer de la
criminalisation de la consommation. Ce sera au bout du compte écarter de
la vue ce qu'on ne veut pas voir et produire un enfer pavé de bonnes
intentions."
Elisabeth Badinter, philosophe, Régine Deforges, écrivain, Caroline Eliacheff, pédopsychiatre, Elisabeth de Fontenay, philosophe, Claude Habib, professeur de littérature (Sorbonne-Nouvelle), Nathalie Heinich, sociologue (CNRS), Claude Lanzmann, écrivain et cinéaste, William Marx, professeur de littérature (Paris-Ouest), Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue (EHESS), Philippe Raynaud, professeur de science politique (Panthéon-Assas), Céline Spector, philosophe (Bordeaux-3), Georges Vigarello, historien (EHESS).
Je signe.
RépondreSupprimerJ'adhère! Un point de vue, plein de bon sens!
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