Mélenchon joue au Jiminy Cricket

Jiminy Cricket, vous vous rappelez de ce petit grillon sympathique qui murmurait à l'oreille de Pinocchio, la petite conscience du pantin qui voulait être un garçon?

C'est un peu le crédo de notre Mélenchon qui revient frais comme un gardon de ses vacances au Vénézuela.
J'aime bien Jean-Luc Mélenchon pour ses positions antiracistes et sa défense de la Palestine. C'est clair. D'autres notions chez lui me dérangent plus, par exemple, il ne suffit pas de mettre toute la faute sur les riches et le grand capital, même si il y a des choses à dire sur leurs contributions à la crise, pour que la France aille mieux.

J'étais donc très curieuse de savoir ce que Mélenchon avait à dire sur les cent jours de Hollande.
J'ai lu et entendu des expressions comme "réquisitoire", "empoisonnement", "dénonciation"...
Je ne me suis pas procuré l'interview complet du JDD par principe. L'interview exclusif par un journal qui la fait payer est un concept qui ne me plait guère, surtout quand la personne qui en fait l'objet est un leader qui se revendique du Peuple et veut défendre les plus faibles. Mais passons, cela fait sans doute partie des contradictions de Mélenchon.

Avec plusieurs articles du web, j'arrive à comprendre les messages, d'autant plus que je les recoupe avec le dernier billet du blog du leader du FDG.
Tout d'abord, il cite François Mitterrand, ce qui est assez curieux quand on connait les ambiguïtés du personnage, ce qui n'enlève rien aux qualités de Tonton, mais se revendiquer de lui, après être allé en Amérique du Sud, le mélange est curieux...Même si il se justifie en se disant dans la nécessité d'une retraite spirituelle en vue de se ressourcer. La question est donc pour moi: pourquoi l'Amérique du Sud? Que nous apporterait de bien ce continent? Mais j'y reviendrai plus tard.

En deuxième, il reproche à Hollande et aux socialistes de ne pas les avoir soutenu lors des législatives, avec l'arrière-pensée de diminuer la force du FDG. C'est une des premières choses que je comprend, d'un point de vue politicien, c'est de bonne guerre, mais pas pour quelqu'un qui se dit en rupture avec la politique politicienne. Est-ce un ressenti impulsif, de quelqu'un qui a pensé voir de l'injustice? 
Je ne comprend pas. Le mouvement du FDG est jeune, les candidats étaient neufs dans l'étiquette de ce parti. Il n'y a pas eu d'alliance électorale. Aubry était aux manettes, pas Hollande. Il y a eu, plus, à mon avis des affrontements locaux avec des hommes de terrain que des calculs en vue d'affaiblir le FDG, ainsi qu'une visée d'efficacité. Au niveau des législatives, tous le petits partis ont d'ailleurs pâti de la bipolarisation de la politique, logiquement on a retrouvé cet affrontement. Ce qui n'enlève rien à la valeur des uns et des autres. Mais les électeurs n'appartiennent pas à un parti, souvent les politiques font ce mauvais calcul.

Ensuite, il parle des cent jours de Hollande. Les mots sont durs: "presque rien"," pas assez", "atermoiement"...il dit que le harcèlement sexuel n'était pas une priorité. 
Je suis d'accord et en même temps, je trouve cela un peu simple comme analyse. 
Le chantier est gigantesque, oui. Comment ne pas penser que la loi sur le harcèlement sexuel n'est pas une priorité au même titre que l'euthanasie, l'allocation pour les jeunes en formation et études, les interdictions de licenciement abusifs, la finance etc....
Notre société a besoin de retrouver un dynamisme, une justice, des protections...J'ai déjà dit qu'un virage à gauche était nécessaire, et je ne suis pas de gauche.
Je suis pour qu'on régule la finance mais pas n'importe comment, de plus, Mélenchon le sait très bien, notre économie est mondiale et on se doit de s'appuyer sur des partenaires pour peser sur la finance afin de la contrer. 
Sans doute pense-t-il s'allier aux Sud-Américains pour se faire. Je ne suis pas sûre que leurs modèles de croissance économique et de société soient les meilleurs pour la France. Simplement, parce que cela revient à reprendre un modèle externe, comme Sarkozy le faisait pour les USA et l'Allemagne.
L'Amérique du Sud n'a ni les mêmes structures sociales (leur jeunesse est nombreuse, le poids de la religion les a engagé dans un laïcisme agressif etc...) ni les mêmes perspectives: ce sont des pays émergents, avec des ressources naturelles, ils ont des liens déjà bien avancés avec les autres pays émergents...Si Chavez est soutenu par une partie de son peuple contre les composantes féodales de son pays, et que son régime autoritaire peut se légitimer ainsi, cette direction autocratique et radicale ne peut se maintenir sur le long terme, je le pense.
Mélenchon attend  aussi beaucoup de notre jeunesse, qui  aurait  le potentiel révolutionnaire de celle des sud-américains. Je ne le crois pas dans ces termes. En tout cas, il est trop tôt pour le penser. A part les banlieues, il n'y a pas encore ce potentiel. Lui parle des étudiants, d'où la méprise.
 

Le leader du FDG critique aussi Hollande en le disant trop social-libéral, trop normal pour une situation qui ne le serait pas: c'est curieux de voir dans sa bouche à peu près les arguments de l'UMP . Il parle de "capitulation". Je n'irais pas jusque-là mais je ne comprend pas trop non plus l'insistance à faire une loi organique pour une règle d'or qu'on ne pourra pas appliquer. Là, il marque un point. J'aimerais bien que Hollande s'explique un peu plus là-dessus. 

Enfin, il critique l'action récente des expulsions des roms et surtout Valls. C'est vrai que cela pose un problème du point de vue humain, c'est clair.
 Quand à leur ouvrir le marché du travail s'il y a pas de concertation européenne, cela pourrait conduire tout droit à la catastrophe : les roms ne parlent pas tous français, quels emplois pourrait-on leur offrir? Si la France est la seule à faire cette politique, il est tout à fait humain de concevoir qu'ils afflueront en nombre...
Je parlais récemment de la régularisation des sans-papiers dans le blog de Juan et je pense qu'on pourrait régulariser ceux qui ont déjà un travail, clandestin ou non, qui scolarisent leurs enfants.

De plus, nous n'avons aucun moyen pour agir sur la politique et le développement des pays d'origine des clandestins, souvent en guerre ou en proie à la famine.
Nous avons tous les moyens pour agir dans la plupart des pays d'origine des Roms, puisqu'ils sont dans l'Europe. La différence est là.

J'espère vraiment qu'on va arrêter vite les expulsions des roms sans solution de relogement ou de prise en charge, néanmoins. Mais là, Mélenchon enfonce des portes ouvertes car nombreux en France, s'ils approuvent les expulsions, ne comprennent pas le fait d'envoyer errer des populations sur nos routes comme cela, en ayant broyé leurs affaires.

Je terminerai par une citation très jolie, d'ailleurs, du dernier billet de Jean-Luc Mélenchon: 

Par exemple, le Front de Gauche est une invention destinée à nous aider à franchir nos limites. Celles qu’avaient assigné à notre gauche le goût des routines, l’intériorisation de la claustration minoritaire, le sectarisme, le réflexe des querelles byzantines et des batailles de textes prophétiques, la fascination pour les jeux de billards à trois bandes, les sordides querelles d’égo habillées en chocs théoriques. Tout cela était la gangue qui empêchait que déferle la formidable énergie que notre mouvance contient. Et le Front reste la machine adéquate aussi longtemps qu’il respecte cet objectif. Sinon : retour à la case départ. Mais la vie, elle, continuera. Et cela parce que le Front de Gauche n’est pas une fin en soi. La situation écologique et sociale appelle une réponse aux limites qu’elles semblent assigner au futur de l’humanité toute entière. L’objectif est d’appliquer celle que nous avons élaborée dans nos combats, de mettre en œuvre notre projet pour l’avenir. La révolution citoyenne comme sortie de crise. Voilà la tâche. Les poètes auront toujours le dernier mot.

Oui, c'est très joli de dire que la gauche a des querelles bysantines, quand on remet de l'huile sur le feu... 
Quand à dire qu'il faut réinventer une manière de faire de la politique, oui, je suis d'accord, mais penser que seul le FDG a les solutions, c'est pourtant un peu sectaire, je crois ...
Je pense que notre pays a vraiment besoin d'unité, de justice, de réel apaisement.
Ce n'est pas en opposant les uns aux autres qu'on pourra faire comprendre cela.
Je pense que nous sommes bien à la croisée des chemins mais pas dans les clivages droite/gauche.

La Gauche n'a  pas le monopole de l'antiracisme, ni la Droite celui de la bonne gestion économique et sécuritaire.

La France est séparée effectivement entre deux courants qui dépassent l'opposition Droite/Gauche: ceux qui acceptent que notre Monde a changé, que nous ne sommes plus un "phare de lumière"dans une planète qui compte les pays développés et le Tiers-Monde, et que l'Europe et l'Occident ne sont plus dominants dans l’Échiquier diplomatique et économique, et les autres.
Ceux qui savent que nous devons nous adapter à cette nouvelle situation en changeant nos rapports avec les autres pays et les autres, qui veulent un retour en arrière protectionniste et nationaliste.


Je ne suis pas persuadée que seule la Gauche soit dans le cas de ceux qui veulent revenir dans les rapports mondiaux, le train de la modernité, de la croissance, avec de nouveaux rapports de confiance dans l'échiquier mondial.
Mais il est vrai, que pour l'instant, elle s'en rapproche le plus dans ses discours.

Les discours: oui, c'est beau, les actes c'est mieux.

Pourtant, en 100 jours, on ne peut pas encore dire que Hollande n'ait rien fait. 
Ni que Mélenchon se soit déchainé contre lui, d'ailleurs.
Le Leader du FDG, bien reposé, a sans doute voulu marquer sa rentrée en pleine forme. De ce côté-là, c'est réussi.
Pourtant, en refusant de participer au gouvernement, il s'est lui-même coupé une marge de manœuvre, et c'est dommage, puisque des actes, il ne peut pas non plus en faire, à moins d'attendre les élections et, forcément, dans une posture d'Opposition, en jouant le Jiminy Cricket de Hollande, ce qui peut tout à fait arranger notre Président, puisque celui qui veut passer du politique de bois à l'homme de pouvoir, ce n'est pas Hollande, lui, c'est fait.

Il y a du bon chez Mélenchon, c'est clair, mais il y a du bon ailleurs aussi.
Il ne devrait pas l'oublier.

Liens sur le sujet:
http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Jean-Luc-Melenchon-ce-fut-cent-jours-pour-presque-rien-544620
http://www.europe1.fr/Politique/Melenchon-100-jours-pour-presque-rien-1208281/
http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/08/19/melenchon-sur-hollande-cent-jours-pour-presque-rien_1747551_823448.html
http://www.jean-luc-melenchon.fr/2012/08/15/carte-postale-de-retour/#more-13135
http://lelab.europe1.fr/t/pierre-laurent-limite-jean-luc-melenchon-a-son-role-de-porte-parole-4270 
Image issue de cet article:
http://www.lexpress.fr/actualites/1/actualite/requisitoire-de-melenchon-contre-les-100-jours-de-creux-d-hollande_1150592.html